Virginie Trastour et les Mauvaises Graines

Entre poétique de la ruine et tentative d’exhumation, Virginie Trastour redonne vie à des objets abandonnés et sublime malgré elle l’obsolescence des fleurs de bitume et des reliquats de sous-bois.

Derrière l’apparent divertissement et maquillage, il y a toujours un drame qui point. On oscille entre le conte de fées et l’histoire d’amour accidentée. Chez Virginie Trastour, l’amour peut augurer de la mort. Les plus belles déclarations deviennent des épitaphes sur fond de dentelles noires malmenées, les pierres précieuses viennent canoniser ses propres modèles, ses peintures laissent apparaître une auréole dégoulinante sur le sujet; quant aux lambeaux cabossés des voitures de nos jours heureux, ils prennent des allures de stèles.

Virginie Trastour aurait pu camper la troisième comparse de Thelma et Louise, tant chez elle, jamais le tragique n’entrave la séduction et jamais la séduction n’entrave le tragique. Elle œuvre conjointement à l’impact et à l’éclat, aux contours de vies pleines et bruyantes.

« Quand les sons deviennent formes »[1] est une phrase qui s’impose. En effet, parcourir ses œuvres c’est s’autoriser la compagnie en toute intimité de nos rock-stars chéries. A ses côtés, on flirte avec nos vinyles d’icônes. Il y a toujours David Bowie qui nous regarde, Alain Bashung qui nous susurre des mots à l’oreille, Daniel Darc qui recycle des éclats de bitume et convoque des images hétéroclites. Elle produit des glissements entre des extraits de chansons transposés, des détails rémanents et la suprématie des sentiments. Ses dessins, dentelles, photographies, installations réveillent nos âmes de fans, les collecteurs d’images de pin-up, les manies de collage pop-flag et un désir fou de prolonger la nuit.

Virginie Trastour a plus d’un tour entre ses doigts d’artiste pour nous offrir des talismans, qu’on aimerait réunir et conserver dans un flight case, tout à côté du juke-box… Et ne l’ouvrir que les jours maussades.

Charline Guibert

[1] – En écho au titre de la fameuse exposition (1969) d’Harald Szeeman : « Quand les attitudes deviennent formes ».

Parution dans Technikart, février 2016