Quand le dis­pa­rate et la dis­tance séparent l’être du monde.

À par­tir de por­traits ori­gi­naux ou de vieilles pho­to­gra­phies, Vir­gi­nie Tras­tour méta­mor­phose les sta­bi­li­tés conve­nues et conven­tion­nelles. Elle trans­forme la vision en énigme : dans ses puzzles, un mor­ceau man­quant change tout. La force d’une telle pra­tique arrache toute miè­vre­rie aux por­traits ori­gi­naux tout en pré­ser­vant la beauté, l’Eros et une naï­veté qui échappent à ce que les médias pro­posent. Vir­gine Tras­tour prouve que pour voir et mon­trer il faut un long temps de tra­vail. Lequel per­met de faire prendre conscience d’un cer­tain for­ma­tage dont il s’agit de venir à bout.

Surgissent des taches – pas for­cé­ment de nais­sance mais celles que le temps laisse. Elles font saillir le silence de l’être, révèlent la faille d’un monde qu’elles contri­buent à dépouiller de tout ce qui, nor­ma­le­ment, lui donne consis­tance. L’artiste sou­ligne le dis­pa­rate et la dis­tance qui séparent l’être du monde, de l’être à lui même. Le corps (du moins ce qu’il en reste) se perd dans les espaces. Ce qui affleure est bien autre chose que les seules don­nées de la psyché.

Jean-Paul Gavard-Perret

Parution sur letitteraire.com en 2016